L’exposition phare, curatée par les organisateurs de la Biennale, réunit douze artistes français et internationaux à l’Atelier Basfroi, autour des thèmes de l’urbanisme, de la société de contrôle et des outils de surveillance.
Photographes ou plasticiens, les artistes présentés mettent en exergue des images détournées, déconstruites, reconstruites ou falsifiées, et sont porteurs d’idées photographiques innovantes tant sur les sujets abordés que les méthodes employées.
Vernissage le 12 Novembre de 18h à 22h
Xavier Bauer / Grégory Chatonsky / Antje Feger & Benjamin Stumpf / Clemens Gritl / Beate Gütschow / Claudia Larcher / Maxime Matthys / Achim Mohné / Richard Mosse / Hito Steyerl / Thierry Urbain / Emmanuel Van Der Auwera.
Horaires
Du mardi au dimanche
de 13h à 20h
Adresse
ATELIER BASFROI
23, rue Basfroi, 75011 Paris
Métro : Voltaire / Charonne
Pour sa deuxième édition, l’exposition phare de la Biennale de l’Image Tangible invite douze artistes français et internationaux à l’Atelier Basfroi, du 13 au 22 novembre 2020, autour des thèmes de l’urbanisme, de la société de contrôle et des outils de surveillance.
Tirages numériques (Richard Mosse, Clemens Gritl, Maxime Matthys) ou argentiques (Thierry Urbain), images recomposées (Beate Gütschow, Claudia Larcher) et vidéos (Hito Steyerl), sculptures (Xavier Bauer, Achim Mohné) ou installations multimédias (Grégory Chatonsky, Emmanuel Van Der Auwera, Antje Feger & Benjamin Stumpf), les œuvres des artistes invités par la Biennale de l’Image Tangible nous situent au cœur du réseau des villes cyber-connectées, d’utopies architecturales, et des outils de surveillance qui les scrutent de leur œil mécanique.
Elles s’intéressent plus particulièrement au fonctionnement et à la portée de ces dispositifs d’enregistrement qui surplombent et régissent désormais nos sociétés, désignées sous les termes de « sociétés de contrôle ». Elles ouvrent ainsi une réflexion sur l’émergence, la place et les implications sociopolitiques de ces nouvelles technologies dans l’espace public, pour une humanité urbaine à 50% – et qui le sera à 70% à l’horizon 2050. Chaque proposition considère donc de manière critique les effets tangibles et le devenir de ces technologies digitales, afin de saisir leur impact sur l’organisation de notre environnement… Et de voir en quoi notre perception du monde, de nous-mêmes, ainsi que notre comportement, s’en trouvent affectés.
Ainsi, comment les nouveaux outils de captation du réel, dont font partie la photographie et ses ersatz numériques, finissent-ils par modeler l’espace urbain ? En quoi contribuent-ils à produire un monde, plutôt que de seulement l’enregistrer ? Et par quels biais parviennent-ils à formater nos corps, nos habitudes et nos esprits, à travers les usages que nous en faisons au quotidien ?
François Salmeron
Né en 1977 à Genève. Vit et travaille entre Genève et Berlin.
Oxymoron
Ce cube de cendres grises est issu d’un patient travail au cours duquel l’artiste tamise et compresse des résidus de photographies brûlées. La sculpture, d’apparence massive et solide, s’avère en fait extrêmement fragile et volatile – et suppose donc un oxymore. Elle se désagrège en fonction des courants d’air et des déplacements des spectateurs autour d’elle. Le monochrome gris se présente également telle une stèle synthétisant le flot bariolé d’images qui assaillent vainement nos regards au quotidien, comme si trop d’images finissaient par tuer l’image. Et nous rappelle, à l’instar d’un memento mori, que tout retourne à la poussière…
Né en 1971 à Paris. Vit et travaille à Paris et Montréal.
Les réseaux récursifs de neurones, habituellement désignés comme IA, permettent de faire muter les médias. A partir d’immenses bases de données accumulées sur le Web, il est possible de produire des images ressemblantes : on fournit à un réseau de neurones des milliers d’images d’oiseaux et de nouvelles images apparaissent que nous reconnaissons comme des oiseaux même si ceux-ci n’existent pas.
Ce sont des médias de médias qui constituent une véritable rupture dans l’histoire de la production du réalisme. MUE nous convie à la métamorphose permanente des images prises dans le flux permanent d’une mutation. Un monde alternatif devient visible qui ressemble à celui que nous connaissons mais qui en diffère, comme la possibilité d’un embranchement inexploré. Ce sont des images réalistes mais qui ne sont plus réelles. Elles ne sont plus fondées sur la capture de la lumière (le photoréalisme) mais sur la synthèse des mémoires capturées dans les filets des données massives du réseau.
Que devient l’image quand celle-ci est prise dans une série infinie ? Quelle est sa forme lorsqu’elle n’est que la forme de son change ? Dans quelle époque du réalisme entrons-nous lorsque nous reconnaissons comme réalistes des images qui ne proviennent pas de la capture de la réalité mais de l’hypermnésie du réseau ?
Née en 1977 à Lüneburg. Né en 1976 à Solingen (Allemagne). Vivent et travaillent à Hambourg.
Cette installation se compose de deux parties : un imprimé découpé par un broyeur de documents et une radio diffusant un collage sonore. Les images proviennent des archives du ministère de la Sécurité nationale de la République Démocratique d’Allemagne, dont les services de renseignement utilisaient ces visuels pour former leurs agents à crypter les messages en système de signes codés.
Le collage sonore est composé quant à lui d’archives de stations radio à ondes courtes, servant à transmettre des messages militaires et des renseignements à travers le monde. Un émetteur caché dans l’espace d’exposition, qui fonctionne comme une mini station radio, envoie le signal sonore à tous les récepteurs d’ondes métriques situés aux alentours.
Antje Feger et Benjamin Stumpf nous remémorent ce qu’étaient les techniques de surveillance et de renseignement lors de la Guerre froide, avant l’avènement du numérique.
Né à Straubing (Allemagne). Vit et travaille à Berlin
Clemens Gritl conçoit des modèles informatiques artificiels en 3D inspirés des utopies urbaines du XXe siècle. Ces froides architectures noir et blanc, aux arêtes brutalistes en béton, se trouvent enserrées d’un réseau autoroutier sans fin, et baignent dans une sombre atmosphère saturée d’asphalte. Elles se réfèrent donc aux visions sociales révolutionnaires des années 1960, tout en dressant un tableau dystopique inquiétant de leur devenir. Leurs structures homogènes, aux formes répétitives et aux dimensions gigantesques, érigent des villes à la fois agressives, cauchemardesques… et fascinantes. Mais quel impact peuvent-elles produire sur l’humanité et leurs habitants ? Ne dénotent-elles pas avant tout une volonté d’organiser la société et l’espace, jusqu’à les oppresser ? En effet, on peut craindre qu’une telle ville se voie destinée à développer une société ultra fonctionnelle… Ou, au contraire, à faire basculer nos vies dans un dysfonctionnement social menaçant et aliénant.
Née en 1970 à Mayence. Vit et travaille à Cologne et Berlin.
Représentée par la galerie Barbara Gross (Berlin), la Produzentengalerie (Hamburg), et la Sonnabend Gallery (New York).
Née en 1979 à Bregenz (Autriche). Vit et travaille à Vienne.
Représentée par la galerie 22,48 m2 (Paris).
Claudia Larcher est une artiste visuelle spécialisée dans l’animation vidéo, le collage, la photographie et l’installation. La série Urban Landscapes utilise des magazines ou des périodiques d’architecture, dont les pages sont travaillées au scalpel. Les blocs de texte se trouvent supprimés, et seuls subsistent des éléments d’édifices imprimés. Les différentes couches forment dès lors un relief : à l’ouverture de chaque double page, se dévoile un paysage architectural tridimensionnel.
La vidéo Ornament is a crime, derrière son titre grinçant qui rouvre le débat sur l’utilité ou non de l’art dans notre vie courante, présente une mise en situation de ce même type d’ouvrage compilant différentes sortes de visuels architecturaux.
La série Mies fait référence à l’œuvre du designer Mies Van der Rohe, ancien directeur du Bauhaus, à travers des vues photographiques d’édifices, des détails de volumes intérieurs, et des structures de grilles de façades, qui se trouvent superposés et intriqués grâce à un jeu de montage. Ces fragments délicats semblent avoir été dégagés de leur contexte au scalpel d’origine afin d’être reconditionnés. Ils racontent l’histoire du rêve moderniste d’une architecture faite d’efficience, de transparence et d’élégance.
Né en 1995 à Bruxelles. Vit et travaille à Paris et Rennes.
Diplômé de l’École de journalisme EMI-CFD de Paris.
« 2091 – The Ministry of Privacy » révèle les mécanismes de reconnaissance faciale utilisés par le gouvernement chinois afin de surveiller et d’opprimer les minorités ethniques, notamment Ouïgour et Kazakh, dans la région du Xinjiang. J’ai produit cette série en collaboration avec William Attache, ingénieur en intelligence artificielle, pour créer un logiciel de reconnaissance faciale similaire à ceux qu’utilise le gouvernement chinois. Puis je me suis rendu à Kashgar, l’un des derniers bastions de la culture Ouïgour et Kazakh, et l’une des villes les plus surveillées du territoire, pour photographier la vie quotidienne de ces populations.
Malgré la censure du gouvernement, j’ai pu envoyer mes photographies dans les programmes de reconnaissance faciale développés au préalable sur mon ordinateur. Les logiciels ont alors procédé à la reconnaissance des habitants apparaissant sur les photos, et ont exporté leurs informations biométriques sur leur visage. Selon la technologie, certaines sont affichées sous forme de points rouges (appelés Landmarks) d’autres en utilisant le diagramme de Delaunay – une alternative utilisée pour cartographier de telles informations. Mon œuvre souligne ainsi le caractère intrusif de ces technologies, jusqu’alors invisibles, et la menace qu’elles représentent pour les habitants.
Né en 1964 à Aix-la-Chapelle. Vit et travaille à Cologne et Zurich.
Représenté par la galerie Judith Andreae (Bonn).
Achim Mohné s’appuie sur les nouveaux médias numériques et les nouvelles technologies pour tenter de comprendre comment notre perception et notre conscience de l’espace physique et social se repensent. L’immatérialité numérique et la corporéité virtuelle constituent les deux sujets de recherche de la série 3D-Google-Earth-Model, entamée en 2018. Ces œuvres 3D traitent du rapport entre l’espace urbain réel et ses représentations virtuelles, appelées « avatars ». Celles-ci conservent un caractère illustratif et référentiel tout en basculant vers une esthétique numérique étrange, voire abstraite, qui résulte de l’enregistrement et de la traduction de la surface de la Terre par des satellites et des drones.
Cette série de sculptures imprimées explorent les méthodes d’affichage 3D des globes virtuels (les logiciels modélisant la Terre en 3D, dont le premier du genre fut Google Earth), qui « préparent esthétiquement les utilisateurs aux futurs médias, tels que la Réalité Virtuelle ou la Réalité Artificielle ou les Réalités Mixtes », d’après l’historienne de l’art Pamela C. Scorzin.
Projet réalisé spécialement pour la Biennale de l’Image Tangible 2021 :
Mozilla hub : https://hubs.mozilla.com/ZWMyYWC/atelier-basfroi
Né en 1980 à Kilkenny (Irlande). Vit et travaille à New York.
Représenté par la galerie Carlier Gebauer (Berlin, Madrid).
La série Infra est marquée par l’utilisation par Mosse de Kodak Aerochrome, un film infrarouge de reconnaissance abandonné. Le film enregistre la chlorophylle dans la végétation vivante. Le résultat est la forêt tropicale luxuriante congolaise rendue dans un paysage magnifiquement surréaliste de roses et de rouges. Mosse a déclaré dans une interview au British Journal of Photography : « Je voulais exporter cette technologie vers une situation plus difficile, mettre fin aux conventions génériques des récits des médias de masse calcifiés, et remettre en question la façon dont nous sommes autorisés à représenter ce conflit oublié. J’ai voulu confronter cette technologie de reconnaissance militaire, l’utiliser réflexivement pour questionner les modes de construction de la photographie de guerre. »
Heat Maps, 2017.
Caméra thermique dans les camps de réfugiés (Grèce, Allemagne, Bulgarie, Allemagne)
Cette série de photos retrace la vie des migrants dans différents camps du monde. Pour rendre compte de leurs conditions de vie, le photographe s’est muni d’une arme militaire, une caméra thermique capable de filmer à plusieurs kilomètres de distance.
« Cette technologie de caméra très puissante et à mon avis très inquiétante, je la vois comme une allégorie du complexe militaro-humanitaire qui caractérise la seule réponse de l’Union européenne à l’afflux des migrants, la « crise des réfugiés » comme on l’a appelée. C’est la seule solution que nous ayons trouvée apparemment pour accueillir les demandeurs d’asile, les réfugiés qui débarquent sur nos côtes. » (Richard Mosse, interview dans France Culture).
Née en 1966 à Munich. Vit et travaille à Berlin.
Représentée par la galerie Esther Schipper (Berlin).
A travers cette courte boucle vidéo, Hito Steyerl frappe un écran LCD noir avec un ciseau à bois et creuse à sa surface, sous l’effet du choc, un réseau de fissures multicolores. Le mot STRIKE, qui encadre cette performance minimale et signifie « frapper quelque chose » ou « se mettre en grève », implique donc un acte de collision, de perturbation, de protestation ou de résistance. Il peut se lire soit comme un impératif qui nous incite à rejoindre l’artiste dans son action. Il s’apparente alors à un mouvement de contestation contre le pouvoir des écrans. Soit comme un geste iconoclaste dévoilant le mode de production, d’apparition et de diffusion des images. En brisant cet écran, Steyerl met donc à jour les infrastructures matérielles et technologiques, ainsi que leurs implications politiques et idéologiques, qui sous-tendent tout contenu représentationnel… Et souligne que l’écran détermine bien ce qui demeure visible ou invisible à la société, à nos esprits et à nos regards.
Né en 1960 en France.
Hypogée
Ces architectures m’ont toujours paru comme des lieux hiératiques et intemporels ouverts à la fiction et aux sciences humaines dans lesquels la géographie et l’histoire pourraient être présentées comme des utopies. Leurs formes archétypales nous permettent de reconstruire le temps et l’espace selon notre propre désir et de superposer à la réalité photographique l’équivalence d’un paysage intérieur.
Babylone
Les dernières fouilles à ciel ouvert sur le chantier archéologique de Babylone auraient montré que la bibliothèque de la cité mythique ne serait en rien un modèle de classification rationnelle des catalogues et des tablettes écrites d’une civilisation disparue. L’architecture du lieu dessine en réalité un parcours initiatique dans les dédales des salles et des escaliers. La bibliothèque obéit ainsi à une fonction rituelle (et non mémorielle) : celle d’un cheminement spirituel où le lecteur s’avère avant tout un croyant qui prie à haute voix et suit une procession.
Né en 1982. Vit et travaille à Bruxelles.
Représenté par la galerie Harlan Levey Project (Bruxelles).
VideoSculpture XXI (Vegas)
Utilisant l’écran vidéo comme matériau sculptural, Emmanuel Van Der Auwera découpe les filtres qui composent chaque écran LCD et les place sur un trépied. Ce faisant, les images deviennent visibles sous forme de fragments, suivant la position du spectateur, et se découvrent selon plusieurs points de vue. Captée par des caméras thermographiques utilisées dans l’armée ou dans des dispositifs de surveillance, cette séquence brosse un portrait fantasmatique du « Strip » de Las Vegas. Les passants de l’avenue bardée d’enseignes apparaissent comme des sujets filmés non consentants, perçus à travers l’œil d’un sniper.
Horaires
Du mardi au dimanche
de 13h à 20h
Adresse
ATELIER BASFROI,
23, rue Basfroi, 75011 Paris
Métro : Voltaire ou Charonne